Présenté au cinéma Beaumont de Méduse le 10 avril dernier, le documentaire de Rodrigo Rodriguez et de Pierre Mouterde Des immigrants et des papillons poursuit sa tournée au Québec depuis la première à l’ÉNAP (École d’administration publique) en novembre 2023 et sa présentation au Moulin des Jésuites en février.
Pierre Mouterde voulait « une vision large, humaniste, ouverte, pour construire quelque chose ensemble », explique-t-il. En plus de chercher à mettre en valeur un autre discours que le discours dominant du gouvernement actuel, trop souvent négatif face à l’apport des immigrants et des immigrantes, il désirait aussi « aller plus loin que le discours habituel de la gauche. On voulait un discours unificateur et sortir des dénonciations habituelles, quoique essentielles, du profilage racial par exemple ». Selon lui, ce discours n’est pas suffisant : « Surtout quand on est à gauche, il faut penser à ce qu’on pourrait faire. » On entends ici parler d’autres choses que de « racisme systémique » et tant de formules maintes fois entendues pendant les dernières années. C’est une des qualités de ce film.
On y entend tour à tour une succession d’entrevues sur la question de l’immigration et de l’indépendance du Québec. Immigrants et immigrantes comme Québécois et Québécoises « de souche », font des interventions souvent touchantes. Une douzaine de personnes ont été rencontrées par les réalisateurs dont une intervenante avec les travailleurs saisonniers. Le très intéressant ex directeur des caisse populaire Desjardins, Jean Ouellet, et le professeur de sciences politiques à la retraite Cheikh N’diaye, et son fils Aly N’diaye (alias Webster) artiste hip-hop et auteur bien connu à Québec prennent la parole.
On entend certes des habitués de ce genre de tribune, comme Maxime Fortin, alors coordonnateur de la Ligue des droits et libertés, section Québec, mais aussi d’autres voix des plus pertinentes, telles Cindy Lee Mackenzie, directrice de l’organisme communautaire Espaces, ressources familles Sainte-Foy ou encore Nicole Giguère, graphiste, travailleuse indépendante, rencontrée par hasard dans un café lors du début du tournage. Elle est une des intervenante à affirmer qu’elle en a assez que le peuple québécois soit traité de racisme.
Cela est mis en perspective avec l’histoire de la colonisation du Québec, et sa volonté d’indépendance. En même temps, le film aborde les difficultés des immigrants lors de leurs arrivées, mais aussi de leurs intégrations et nouvelles vies. Une rencontre a lieu entre les différents destins, les différentes luttes.
Le vidéaste d’expérience Rodrigo Rodriguez fait à cet égard un duo parfait avec le sociologue Pierre Mouterde. Ils n’ont pas hésité à aborder la question de colonisation, au cœur de l’histoire du peuple québécois. En cela, le film est très instructif.
Comme c’est souvent le cas lors de présentations de films en présence des réalisateurs, les projections sont l’occasion d’échanges fructueux : « La discussion fait partie du projet », note Pierre Mouterde qui constate combien les gens sont avides de s’exprimer et d’échanger sur le sujet, d’exprimer un discours beaucoup plus nuancé que ceux qui dominent l’espace public. Il constate que trop souvent, les communautés qui s’installent ici, ignorent les particularités du Québec. Ce film est une occasion de rencontres et de participations à une « co-construction » du Québec, comme le souhaitent les réalisateurs.
Des immigrants et des papillons
Réalisation : Rodrigo Rodriguez et Pierre Mouterde 50 minutes, Québec, 2023
À l’Engrenage Saint-Roch à 19h, 18 avril,560 Saint-Joseph Est, organisé conjointement avec la CAPMO (gratuit) et en tournée au Québec.