Le 21 août dernier, le Théâtre Périscope lançait sa programmation 2024-2025 avec émoi. L’enthousiasme d’accueillir un nouveau coordonnateur artistique (Élie St-Cyr) était infusé du chagrin de laisser partir le binôme qu’il remplace. Qu’à cela ne tienne, Gabrielle Ferron et Samuel Corbeil ont animé la soirée avec la convivialité qu’on leur connaît depuis 2022 et ont accueilli, tour-à-tour, les directions artistiques des pièces qui seront présentées prochainement. Les discours étaient çà et là ponctués de pointes caustiques concernant le financement de la culture. Rappelons que cette année, les organismes recevaient (ou non) leur subvention pluriannuelle.
Le milieu théâtral semble mi-figue mi-raisin quant à la distribution des subsides. Certains heureux, comme le Théâtre Périscope, ont vu leur financement maintenu. Néanmoins, compte tenu de l’inflation des dernières années, ne pas avoir d’augmentation équivaut en quelque sorte à subir des coupures.
Les données publiques concernant la distribution du soutien par le Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ) ont été compilées et partagées par David Lavoie sur Facebook. Au-delà du jeu de mots, nous apprenons que certains cas sont plus « dramatiques ». À Québec, tant au niveau de la production que de la diffusion, certains sont drastiquement abandonnés. Le Théâtre des Fonds de Tiroirs et le Théâtre Petit Champlain perdent leur financement. C’est sans compter le théâtre Pupulus Mordicus qui, après trente ans d’activité foisonnante, prévoyait passer le flambeau mais se voit non seulement refuser un soutien au « fonctionnement » mais n’a pas obtenu, non plus, d’aide au projet.
Son directeur, Pierre Robitaille est donc contraint de renoncer ou de reporter sa dernière production (que l’on espérait au Périscope, justement). Plus encore, le réputé marionnettiste a dû déménager en trombe son atelier. Le centre d’artistes Inter/Le Lieu qui est propriétaire du local , et dont la subvention a été tronquée de 15%, y voit l’occasion de rénover et de parceller l’espace, afin d’augmenter son revenu locatif.
Bien entendu, on peut se réjouir que le CALQ finance une cinquantaine de nouveaux organismes à travers la province. C’est cependant fort dommage qu’il le fasse au détriment de ceux en activité, ou qu’il précipite des fermetures. Comme l’a dit en entrevue Christian Lapointe, le directeur de Carte Blanche (qui présentera la pièce Découronné.e.s, en novembre) : « Le gouvernement donne des milliards à des corporations étrangères qui viennent nous polluer avec leur industrie. Qu’on ne vienne pas dire que les moyens de financer la culture ne sont pas là : c’est clairement par manque de volonté politique que les budgets alloués au CALQ n’ont pas augmenté. »
Les arts de la scène ne sont pas seuls à écoper dans la Capitale-Nationale. En arts visuels, La Chambre Blanche perd son financement et Folie/Culture rétrograde avec un soutien à la programmation spécifique. Plus chanceux, le Musée ambulant encaisse une somme enviable. Néanmoins, ce qui est paradoxal, c’est que dans une ville qui se targue d’être une représentante UNESCO de la littérature, on ait sabré autant côté lettres : Poètes de l’Amérique française, les éditions Cap-au-Diamants et la revue Nuit Blanche font parti des 77 —sur les 523 organismes — à avoir perdu l’entièreté de leur « soutien à la mission » auprès du CALQ. Cela dit, ne nous laissons pas décourager par ces calamiteuses statistiques.
Lisons des livres et des journaux indépendants, visitons les arts visuels et allons aux arts vivants. Au Théâtre Périscope, neuf pièces nous sont offertes. Les spectateurs bénéficient de forfaits et d’une tarification ouverte afin de favoriser l’accessibilité. Profitons-en dans l’éventualité où, comme l’énonçaient les artistes lors d’une manifestation devant le parlement à Québec le 6 juin dernier : « Il ne restera pas toujours la culture».