La poésie, un sport de combat

Par Hélène Matte
Publié le 14 novembre 2024
Thomas Langlois lors du Grand slam mondial. Photo : Helene Matte, Paris, 2024

En cette fin novembre, Québec célèbre les arts de la parole en accueillant le « Grand Slam » durant trois jours consécutifs, et en recevant sur la scène de la Maison de la littérature le tout nouveau spectacle de son champion local. Le Slam est un terme galvaudé. Les uns croient qu’il s’agit d’une poésie urbaine rythmée, les autres la confondent avec les scènes ouvertes où la parole est libre. Certainement, le Slam comporte cela, mais il est bon d’en rappeler l’origine.

C’est en 1984, à Chicago, dans un mythique bar au décor art nouveau —connu comme un ancien repère d’Al Capone —, que Marc Smith organise les premières joutes orales du genre. Les affrontements ont pour but de dynamiser la scène poétique et de se démarquer des récitals classiques en impliquant activement les spectateurs, et c’est eux qui déterminent les vainqueurs. Comme tout jeu, des règles sont imposées. Les textes, d’une durée maximale de trois minutes ne peuvent pas être accompagnés de musique et l’improvisation n’est pas bienvenue.

Après Chicago, Détroit, plusieurs lieux aux États-Unis, puis de nombreuses villes à travers le monde, accueillent des compétitions. Dans les années 1990, un dénommé Pilote le Hot organise les soirées à Paris, puis le Grand Slam International qui reçoit annuellement les gagnants de tous les pays. En 2024, c’est la splendide Noférina Fofana (Abidjan, Côte d’ivoire) qui y a remporté l’or.

Ce n’est qu’en 2007 que Québec intègre le circuit mondial des compétitions dites slamées. D’abord importé à Montréal par l’artiste Ivy, le Slam s’invite ensuite parmi les activités du Tremplin d’actualisation de la poésie, déjà riche de sa scène ouverte mensuelle animée par l’imparable André Marceau. La légendaire rivalité Québec-Montréal ne fait pas chambre à part longtemps et bientôt, c’est dans toute la province que d’épiques batailles amicales se déploient. Aujourd’hui, Rimouski, Saguenay, Rivière-du-Loup et l’Outaouais ont chacune une ligue d’orateurs. Les meilleur.es parmi elles seront d’ailleurs de la 17ieme édition du Grand Slam de poésie, qui se tiendra du 22 au 24 novembre prochain, à la salle Multi de la coopérative Méduse. Le ou la performeur.e qui saura gagné le cœur du public aura la chance de se rendre à Paris en 2025 pour se coltailler avec des poètes du monde entier.

Habitués du Grand Slam, ne soyez pas déçus d’apprendre que l’excellent Thomas Langlois ne sera pas des finalistes. Couronné trois fois champion national (2017-2018-2023), il passe son tour cette fois mais, coanimera l’événement à la Salle Multi. Soulignons que l’artiste était des compétitions mondiales à Paris, en juin dernier, et qu’il y a présenté une des meilleures performances. Il s’en est fallu de peu pour qu’il ravisse l’or à l’Abidjanaise. Son désopilant « Liberté d’excrétion », un texte faustroll scandé avec une géniale exubérance, a provoqué le délire de la salle.

Qu’à cela ne tienne, si Langlois ne nous sert pas sa poésie au Grand Slam cette année, nous le retrouverons sur les planches de la Maison de la littérature le 28 novembre, où il peaufine sa dernière création, Marie Superstar. L’artiste de Québec, originaire de Lévis, y incarne La Corriveau, cette femme légendaire jadis pendue par les Anglais suite à un retentissant procès l’accusant du meurtre de son mari. Langlois, qui a développé une manière singulière d’investir la scène en mêlant art de la parole et théâtre du corps, propose sa version de l’histoire. Par ces précédents monologues, dont Carnaval Carnivore qui était en tournée récemment, il a maintes fois prouvé être à la fois une bête de scène et un fin émissaire de la complexité humaine. Marie Superstar est une occasion renouvelée d’apprécier sa verve percutante. À ne pas manquer.

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