À peine trois ans après l’annulation du projet Laurentia, le Port de Québec vise à nouveau une expansion industrielle. Pour Daniel Guay, vice-président de la « Table citoyenne Littoral Est », c’est décevant, mais non pas surprenant. Selon lui, ça reflète les valeurs de l’autorité portuaire. En même temps, avec le départ annoncé de son PDG, Mario Girard, une nouvelle relation entre la gestion du port et les citoyens semble possible.
QSL, une entreprise majeure opérant au port de Québec, souhaite la construction d’un terminal pour accueillir 250 000 conteneurs par an à la Baie de Beauport. Le terrain, avec le meilleur accès à l’eau de la Ville de Québec, est aussi son plus industrialisé : la « zone sacrifiée » de la ville, selon monsieur Guay. Le projet de QSL ressemble à une version légère du projet Laurentia. Ce dernier a été refusé par le gouvernement fédéral à la suite d’une mobilisation populaire contre les impacts du projet sur la population et l’environnement. « Le milieu est déjà saturé de contaminants dans l’air » selon M. Guay, qui note que plusieurs recours collectifs ont été lancés contre le Port, notamment à cause de la poussière chimique qui tombe fréquemment sur les quartiers voisins du complexe portuaire.
Avec une croissance du nombre de bateaux de cargaison massifs dans l’environnement maritime à Québec, le projet d’agrandissement de l’infrastructure portuaire présente une menace à l’environnement, à la population, et à l’avenir du port. « Un terminal de conteneurs génère bruit et pollution, via les navires à quai, les locomotives et surtout le camionnage, » peut-on lire dans une toute récente lettre de la Table citoyenne adressée au maire Bruno Marchand. « De plus, ces camions généreront plus de congestion, » dans le secteur et en direction du Pont Pierre-Laporte. Dans sa missive au maire Marchand, la Table citoyenne dénonce l’appui rapide de la Ville pour le projet de QSL, en dépit du fait que le projet Laurentia avait été refusé pour son impact néfaste sur l’environnement et la population de la ville.
Selon l’administration portuaire, la création d’une Table de bon voisinage vise à améliorer les communications avec la population et prendre en compte leurs opinions. Mais pour Daniel Guay, le lustre « de bon voisin » tombe lorsqu’on apprend qu’une transformation portuaire s’est préparée en secret, sans consultation publique. « J’ai appris ça au début juillet, sur Radio-Canada, dans un reportage de David Rémillard », note-t-il.
M. Guay dénonce le fait que le Port essaie de « montrer qu’ils sont sensibles aux préoccupations des citoyens alors que dans les faits, juste proposer [le projet de QSL] c’est irrespectueux envers la population. » À la Table de bon voisinage du cinq novembre dernier, l’agrandissement et la transformation du port était à l’ordre du jour. Éloïse Richard-Choquette, directrice des relations citoyennes de l’établissement, n’a pas abordé le projet de QSL de construire un terminal des marchandises à la Baie de Beauport. Il a plutôt été question du 20 à 25% du territoire portuaire qui sera développé pour répondre aux besoins et préférences de la population.
Autour des tables, on a amené l’exemple du port d’Halifax, où il y a l’aménagement d’une promenade au bord de l’eau, des restaurants, des cafés et des sites historiques. On a discuté aussi du projet de créer un espace pour en apprendre davantage sur les immigrants, ces gens d’outremer pour qui Québec a servi de point d’ancrage sur le continent. Beaucoup de familles canadiennes ont un lien avec notre ville pour cette raison.
Suite à ses rencontres avec le PDG du Port, M. Guay constate que Girard « connaît parfaitement la problématique de l’entreprise, mais il dénonce le fait que ce dernier manque de transparence. Incidemment, à la fin du « règne Girard », le citoyen Guay souhaite fortement que la nouvelle direction prenne plus au sérieux l’idée du bon voisinage. Établi PDG du Port depuis quatorze ans, M. Girard a été nommé délégué général du Québec à Tokyo au début du mois. Par le passé, il a travaillait au port de Saint-Rupert en Colombie-Britannique.
Avec son départ, monsieur Guay souhaite que « le Port de Québec profite de l’occasion pour réorienter ses politiques d’expansion en disant non au développement en milieu urbain, car il n’y plus de place. » « Au fil des années, beaucoup a été sacrifié, pour les besoins des transports et de l’industrie. » On vit avec les vestiges – l’autoroute Dufferin-Montmorency, l’incinérateur, la White Birch et maintenant l’usine de bio méthanisation. Cela dit, l’avenir pourrait être différent. Ici, M. Guay souligne le succès de la Promenade Champlain, qui va se prolonger vers l’est dans un proche avenir. « C’est ça l’avenir, développer le “waterfront” pour que ça profite aux gens. Ce sont des terrains fédéraux, n’oublions pas ! » Ils ont été sacrifiés à l’industrialisation par le passé, entre autres parce que les populations défavorisées du secteur n’avaient pas le pouvoir de résister, ce qui n’est heureusement plus le ca