Le vernissage de l’exposition P pour Palestine a eu lieu le 25 octobre à L’Œil du poisson. Droit de parole y a rencontré les commissaires de l’exposition, Ariane De Blois et Muhammad Nour ElKhairy pour discuter de leur projet artistique et de ce qui se passe en Palestine.
Pour Ariane De Blois, l’idée de monter un projet avec des artistes palestiniens vient d’une indignation face à la situation actuelle. Mais aussi d’un constat que les voix palestiniennes, de manière générale, sont très peu audibles dans l’espace public, dans l’espace médiatique mais aussi dans l’espace artistique et culturelle.
« En occident, au Canada, en Europe, aux États-Unis, il y a eu beaucoup de cas de censure, note Arianne De Blois. Des expositions ont été annulées, il y a des gens qui ont perdus leurs emplois aussi, pour avoir pris position contre le genocide. » Connaissant le travail artistique de Muhammad Nour ElKhairy sur la politisation de la langue, et de Rehab Nazzal sur les enfants sourds à Gaza, elle a invité M. ElKhairy de monter une exposition sur la langue et le genocide. « Les œuvres sont des récits personnels qui rassemblent différentes générations d’artistes, qui entrent en dialogue les uns avec les autres, » explique Ariane De Blois. « L’exposition donne accès à ces œuvres. »
Pour M. ElKhairy c’est l’essence de son travail : « Inviter des gens à penser, à discuter, à absorber la réalité de la Palestine ». À l’exposition, on voit des récits des enfants, terrorisés par la mort et la destruction autour d’eux. Les dessins sombres, avec une certaine noirceur, reflètent la peur, le désespoir. Le court métrage de Rehab Nazzal est frappant, avec des témoignages d’enfants sourds, à travers la langue des signes, en lien avec des drones meurtriers omniprésents à Gaza, qu’ils peuvent voir mais non pas entendre.
Des images de la vie quotidienne présentent la destruction de Gaza, l’ennui des Gazaouis tenus à rester dans des abris inadéquats, mais aussi une résilience surprenante : ce n’est pas un peuple écrasé, malgré une souffrance inimaginable. Même sur les visages des enfants, particulièrement vulnérables face à la machine de guerre israélo-américaine, il est surprenant de voir une détermination de vivre. « C’est un moment difficile, important et unique, » note Muhammad Nour ElKhairy. « il y a un génocide contre le peuple palestinien, et la voix palestinienne est démonisée, ou peut-être placée dans l’état de symbole. » Mais dans le contexte de l’exposition, « la voix palestinienne exprime ses récits personnels, le contexte familial, la vie quotidienne… ». Ce qui aide à mieux comprendre ce qui se passe dans son pays d’origine.
Un court métrage de M. ElKhairy lui montre sans manteau un jour d’hiver, en train de geler dehors. Il essaie d’exprimer dans cet ouvrage un problème de beaucoup de personnes racialisées : « on ne les écoute pas sauf lorsqu’ils vendent de la souffrance. Si je suis pris au sérieux, je dois présenter la souffrance, » constate-t-il. Ariane De Blois note qu’on parle souvent des chiffres lorsqu’on parle des Palestiniens : le nombre de morts, le nombre de femmes et enfants tués par les bombes israélo-américaines. Cela rend moins visible la population, selon elle : «quand on invisibilise un groupe, c’est certain qu’on a une vision partielle ou biaisée de la situation. »
P pour Palestine
Jusqu’au 15 décembre à L’Œil du poisson, 541, Saint-Vallier Est.
Commissaires : Ariane De Blois & Muhammad Nour ElKhairy. Artistes : Bayan Abu Nahla, Amal Al Nakhala, Muhammad Nour ElKhairy, Nada El-Omari, Yara El-Ghadban, Mona Hatoum, Rana Nazzal Hamadeh & Rehab Nazzal.
Une exposition en partenariat avec le centre d’exposition Plein sud.