Un nid d’espions

Par Francine Bordeleau
Publié le 14 novembre 2024
Alias Nina P. (détail)

Ce premier roman prometteur de Chloé Archambault se présente comme un habile mélange de récit d’espionnage et de politique-fiction. Elle s’appelle Ekaterina Yegorova — c’est du moins ce qu’elle croit, avant de découvrir que là n’est pas son identité — mais pour tout le monde, elle est Nina Palester. Élevée dans un orphelinat de Moscou, puis recrutée dès l’âge tendre par les services secrets russes, Ekaterina, 25 ans, étudie aujourd’hui en sciences informatiques à l’Université McGill et s’adonne à la désinformation et à la propagande sur les réseaux sociaux pour le compte de la Russie. Bref, c’est une troll — un travail qu’elle définit comme « horriblement ennuyeux et répétitif » — et aussi une espionne.

Or nous sommes tout juste à la veille d’un sommet du G7 qui se déroulera au Québec, plus précisément dans Charlevoix, et Ekaterina se voit proposer d’y effectuer une mission importante qui, si elle était menée à bien, lui permettrait de prendre du galon. Cette mission, qui nécessite la mise au point d’un scénario alambiqué, consiste à récupérer auprès d’un membre de la délégation américaine une clé USB contenant des images susceptibles d’envoyer le président des États-Unis en prison et, ultimement, de contribuer à l’effritement des sociétés démocratiques.

Voilà pour la version « officielle » du rôle d’Ekaterina. Car en réalité, notre héroïne s’est fait piéger par quelqu’un d’extrêmement retors et machiavélique. Elle comprendra dès lors qu’on ne peut jamais faire confiance à des espions…

Guerre froide perpétuelle

Premier roman de Chloé Archambault, Alias Nina P. repose sur l’idée que la guerre froide n’est pas morte, et même qu’elle ne s’est sans doute jamais terminée, même si selon d’aucuns, la chute du mur de Berlin, dont on célèbre cette année le 35e anniversaire, y aurait mis officiellement fin. C’est d’ailleurs bien à des luttes idéologiques que renvoie le phénomène de plus en plus documenté et avéré de l’ingérence étrangère dans les campagnes électorales. On sait aussi quel rôle de premier plan joue le Web en matière d’ingérence, d’influence, de manipulation des idées et des opinions. Il n’est que de penser au milliardaire Elon Musk, le tout puissant propriétaire du réseau social X […].

« Les services de désinformation travaillent pour que les gens perdent confiance en leurs institutions. Qu’ils remettent en question le journalisme et la libre pensée. Qu’ils doutent de leur système judiciaire et de leur système électoral », dit un personnage à Ekaterina. Bien qu’elle propose ici une fiction des plus divertissantes, Chloé Archambault n’en oublie donc pas de passer certains messages. L’auteure se caractérise aussi par la vivacité de ses dialogues. En revanche, à quoi peut bien obéir cette manie d’élider les voyelles dans certains cas, comme on le voit par exemple à la lecture de textes de chansons ? Les « Ce s’rait » (Ce serait), « J’te » ( Je te), « l’temps » (le temps) abondent, ce qui m’apparaît plus ou moins heureux. Dérangent aussi les anglicismes comme « à date » et « incluant » (traduction littérale de including).

Chloé Archambault, Alias Nina P., Montréal, Flammarion Québec, 2024, 312 p.

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