Ça prend du logement social à l’îlot Dorchester

Par Véronique Laflamme, porte-parole du FRAPRU
Publié le 12 février 2025

 

Ma coopérative d'habitation.
Une coopérative d’habitation dans Saint-Sauveur. Photo: Ève Sanfaçon

Les débats concernant le développement de l’îlot Dorchester alimentent la confusion autour de la notion de logement social. Puisque le FRAPRU, regroupement national pour le droit au logement fondé en 1978 – par notamment des groupes populaires du centre-ville de Québec, a comme priorité d’action le développement du logement social, il nous apparaît nécessaire d’intervenir pour clarifier la question.

La construction de logements sociaux sous différentes formes permet d’agir comme rempart aux crises du logement. En limitant les variations de prix dues à des investissements spéculatifs, le logement social sous ses différentes formes contribue à freiner la spéculation immobilière et favorise le maintien des locataires dans leurs milieux. Le faible pourcentage de logements sociaux au Québec fait en sorte qu’actuellement trop de ménages locataires se retrouvent sans alternatives aux logements privés hors de prix. Mais qu’est-ce que c’est au juste le logement social?

Le logement social est un modèle dont la propriété est collective et sans but lucratif. Il ne répond pas à des intérêts privés; sa finalité est sociale. Sa mission est d’assurer un logement de qualité répondant aux besoins et aux revenus des locataires. Il est subventionné par les gouvernements, ce qui lui permet d’offrir des loyers inférieurs à ceux du marché privé et d’être abordable pour les locataires à faibles et à modestes revenus.

Il existe 3 grandes tenures de logement social: le logement social public dont les HLM, les coopératives et les organismes sans but lucratif (OSBL) d’habitation. Ces différents modèles permettent une offre variée, assurant la réponse à une diversité de besoins. On les désigne aussi sous le vocable logement social et communautaire.

Cette définition, qui lie le logement social à une formule de propriété poursuivant une finalité sociale plutôt qu’une finalité de profit, est partagée par les principaux regroupements de l’habitation sociale et communautaire du Québec. Elle est également reconnue comme telle par le gouvernement québécois dans son cadre de référence sur le soutien communautaire en logement social.

Il n’y a pour l’instant aucun logement social prévu sur l’îlot Dorchester!

Le président et chef de la direction de Trudel Immobilier tente de faire passer pour des logements sociaux les quelques logements que le promoteur privé réserverait pour des locataires recevant un supplément au loyer, leur permettant de payer 25% de leur revenu, comme dans un logement social subventionné. Or, ce n’est pas la même chose puisque la propriété des logements n’est pas sociale. Même s’il diminue le stress financier à court terme, le supplément au loyer n’a pas non plus les mêmes effets positifs que le logement social, notamment au plan de la sécurité d’occupation. Enfin, au regard de la hausse rapide des prix de loyer, cette forme d’aide est aussi de plus en plus coûteuse. Le supplément au loyer est alors versé directement à des propriétaires privés qui conservent tous les profits lors de la vente de leur immeuble. Cela ne représente pas une réponse durable aux problèmes de logement puisqu’il ne reste rien à la collectivité. 

Quant aux logements privés dits « abordables », promis dans le projet, on ne connaît pas encore leurs loyers, mais on sait déjà qu’ils ne seront pas réellement abordables au regard de la capacité de payer des locataires en particulier ceux à faibles et modestes revenus sur-représentés dans la population de Saint-Roch. La notion d’abordabilité est en effet relative et élastique, sa définition variant selon les paliers de gouvernement et les programmes. Les critères d’abordabilité sont fixés tantôt en fonction de la capacité de payer des ménages (sans distinguer les propriétaires des locataires), tantôt en fonction du loyer médian du marché, trop élevé pour des milliers de ménages. Les engagements d’abordabilité sont par ailleurs à durée déterminée, n’offrant pas une garantie de solution pérenne.

Un transfert permanent des fonds publics vers le privé

En sortant de la logique du profit et en étant subventionné par les gouvernements, seul logement social permet d’assurer à la fois des logements réellement abordables et adaptés aux besoins des locataires dans leur ensemble, et ce, de façon durable. À la différence de toutes les autres mesures d’aides au logement, qui impliquent un transfert permanent des fonds publics vers le privé, les sommes investies dans le logement social sont destinées à des logements qui resteront à la collectivité. Ils serviront aujourd’hui, mais aussi dans le futur, de rempart contre la spéculation et la gentrification et ont des retombées sociales et économiques locales. Ainsi, le logement social n’est pas une dépense, mais un investissement.

Il faudrait donc effectivement du logement social, du vrai sur l’îlot Dorchester, c’est le minimum que la ville devrait exiger. Si la ville avait un règlement d’inclusion obligatoire, on éviterait de négocier à la pièce à chaque fois et de faire les frais du chantage des promoteurs. Elle aurait aussi intérêt à se donner une vision claire de l’abordabilité, surtout lorsque cette dernière sert de prétexte pour faire mousser l’acceptabilité sociale de projets immobiliers.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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