Consultation en haute-ville : « Non Monsieur, je ne vous laisserai pas répondre car sinon, il y aura un débat. »

Par Hélène Matte
Publié le 27 février 2025

 

Illustration: Hélène Matte

Le 25 février 2025, avait lieu la « consultation » sur le changement du Programme particulier d’urbanisme (PPU) du 955 Grande-Allée Ouest. Cet exercice autorisera l’entreprise Simard à construire, plus en hauteur, près de 150 logements, dont 15% « abordables ».

L’une des questions relevées concernait l’objectif qui aveugle l’administration municipale depuis 2023, et la motive à brader son territoire aux promoteurs tout azimut : 80 000 logements devraient être construits d’ici 2040. Pourquoi? Selon Mélissa Coulombe-Leduc, des statistiques crédibles révèlent que l’attractivité de Québec serait supérieure à toutes les autres villes de la province et que, d’ici 2051, une augmentation de 29,9% de la population est à prévoir. Nous devrions être 227 500 personnes de plus dans 25 ans.… Il y a de quoi rester perplexe. La Ville n’a pas toujours démontré la justesse de ses calculs quant à la croissance démographique ou l’achalandage. Ceux ayant servi de prétexte à la construction d’autoroutes dans les années 1970 ou ceux claironnés lors de Québec 84 (Grand voiliers et visite du pape) étaient complètement erronés. Le chiffre magique jette la poudre aux yeux et les chantiers lévitent au-dessus de la mêlée. On dit répondre à la crise du logement en stimulant la spéculation. La donnée ne serait-elle pas à la source du problème que la Ville croit gérer, mais qu’elle génère ?

Le 25 février, des nombreuses interventions de la salle, quatre étaient ouvertement en faveur du projet. Un homme à fleur de peau voulait un droit de passage piétonnier pour un chemin dont il perdra l’usage. Un vieil habitant du Louisbourg adoptait une perspective historique pour encenser les édifices qui ont pourtant brisé la trame urbaine des quartiers centraux au cours des dernières décennies. Un jeune, on ne sait d’où, parachutait un discours dissonant avec le contexte : « le développement serait bon pour l’économie et les commerces autour » (il n’y a pourtant pas de commerce autour du 955 Grande-Allée, une zone essentiellement résidentielle). Enfin, Monsieur Turgeon est venu donner son aval en énonçant que « Les protections des vues va à l’encontre de l’urbanisme durable ». Un citoyen n’a alors pas manqué de souligner, hors micro, que cette prise de position n’avait rien d’étonnant puisque l’OSBL Vivre en ville de laquelle Monsieur Turgeon est fondateur et président, est subventionnée à 70% par la Ville de Québec.

Les autres interventions se montraient plutôt sceptiques. Certains déploraient qu’en ne protégeant pas ses PPU, la Ville trahit ces citoyens. D’autres partageaient une inquiétude quant à la véracité de la présentation, en s’attendant à de nouvelles déceptions. Certains questionnaient, par dépit, la nouvelle mouture préparée par le groupe Simard. Plusieurs dénonçaient le fait que l’on cède aisément aux demandes des promoteurs et surtout, critiquaient le processus de consultation, ayant l’impression qu’il était vain.

« Le promoteur a des semaines, voire des mois pour se préparer. Nous n’avons que deux minutes au micro et ensuite, une semaine pour déposer un mémoire. C’est injuste. » exprimait Michel Leclerc. Ce dernier, opposant ferme au projet, a mentionné que le bâtiment sur Grande-Allée, de type signature, était un patrimoine bâti qui n’aurait pas dû être laissé en pâture aux promoteurs.

Dans le même sens, Monsieur Brouillard, a quant à lui déploré que la Ville laisse pousser autant d’immeubles locatifs et qu’elle encourage de cette façon la spéculation, réduisant ainsi l’accès à la propriété et condamnant les uns à enrichir quelques autres. Il a aussi été entendu que la Ville, en fusionnant les zones concernant le 955 Grande-Allée, crée un précédent de mauvaise augure. Aussi, qu’il était inconséquent de la part de la Ville de parler de verdissement tout en permettant des projets qui le réduisait. Cela dit, dans le cas du 955 Grande-Allée, le promoteur conserve plusieurs arbres. Fort heureusement, car cela cache la fulgurante banalité de son architecture.

C’est Hélène Saint-Pierre qui gérait la consultation et elle n’a pas permis d’échange. Les prise de paroles se sont ainsi concluent abruptement par : « Non Monsieur, je ne vous laisserai pas répondre car sinon, il y aura un débat. ».

Cette réunion citoyenne aura eu l’avantage de mettre en évidence des termes galvaudés qu’il faudrait enterrer pour de bon ou ressusciter radicalement. « Développement durable » est un « hold-up sémantique » selon l’auteur Fabrice Nicolino. « Logement abordable », est une chimère caquiste, depuis le sabordage du programme Accès-logis. Enfin, « consultation », dans le contexte où le jeu est pipé d’avance, devrait plutôt se nommer, « insultation ».

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