Sauver les livres, de leur disparition

Par Nathalie Côté
Publié le 5 février 2025
Le (Dés-)inventaire ou Dispositif d’effacement du savoir (détail). Une installation d’Alain-Martin Richard. Photo: Christian Baron

Sur un mur de la galerie, un tableau nous attire d’emblée. C’est la vidéo de la bibliothèque de l’artiste projetée sur un collage de grands papiers blancs faisant figure d’écran. Des livres, des boites d’archives, une chaise, un intérieur propice à la lecture. L’image fait figure de tableau d’autant plus lorsqu’on constate que la vidéo projetée disparaît peu à peu laissant apparaître au mur, les contours de chaque livre et leurs titres tracés au crayon. Tout cela donne à l’image une texture, une présence.

C’est sa bibliothèque qu’Alain-Martin Richard a filmée et autour de laquelle s’articule le projet Le (Dés-)inventaire ou Dispositif d’effacement du savoir, présenté au Lieu dans le cadre du Mois multi. L’artiste explique : « Je m’inscris dans ce qui se passe sur la planète. On commence de plus en plus à censurer des livres, comme on le voit aux États-Unis, parfois même ici. Si on commence à sortir le savoir des bibliothèques, qu’est-ce qui nous attend? » Il ajoute : « On vit une période qui me fait très peur pour mes petits-enfants.»

Dans l’espace de la galerie cependant, la disparition des livres ne sera que symbole, représentation, prétexte à une transformation suite aux interventions de l’artiste et à celles du public.

Une action collective

Ce qui devait être une performance solo tout le long de la durée de l’exposition, est devenu, par la force des choses, une œuvre collective, une « manœuvre », concept cher à l’artiste. Alain-Martin Richard, faisant face à des problèmes de santé, il a dû être remplacé par son amoureuse Nicole Catelier et par le directeur artistique du Lieu, Steven Girard, qui soustraient chaque jour quelques-unes des traces des 452 livres de sa bibliothèque. Ils sont découpés tour à tour et collés sur un mur dazibao, un « babillard vivant » comme l’appelle l’artiste, sur lequel le public est invité à intervenir. « Le dispositif est assez bien fait pour fonctionner en mon absence» note Alain-Martin Richard.

Un film d’animation, diffusé sur écran témoigne des changements quotidiens. À chaque jour ce sont quelques livres qui disparaissent dans cette installation dynamique dont il restera, à la fin, assurément intact, l’image de la bibliothèque projetée au mur. Un conseil de l’artiste hospitalisé lors de notre conversation téléphonique : « Installez-vous au milieu de la salle et prenez le temps de regarder. Vous êtes dans ma tête…» Avant d’ajouter : « cette installation est un statement de ma carrière de performeur-auteur.»

S’ajoutent aux collages muraux, les trois pièces les plus énigmatiques de l’ensemble. Trois objets sur autant de socles : une carte électronique, représentation de la révolution industrielle actuelle, un masque de renard (animal fétiche de l’artiste) et un squelette de crâne « pas-humain-mais-qui-pourrait-l’être » (offert par un ami abitibien). Un crâne, symbole par excellence de la conscience du passage du temps.

Le (Dés-)inventaire ou Dispositif d’effacement du savoir Une installation d’Alain-Martin Richard. Performance, le 8 février à 14h avec Christian Lapointe. Présentée au Lieu, 345, rue Du Pont Jusqu’au 16 février.

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