En mars, réagissant aux revendications du mouvement pour les arts, Guillaume Jr Abbatiello (Pizzas Salvatore), a déclaré sur les réseaux sociaux qu’en culture « l’argent du peuple est dilapidé ». Il a même utilisé « le mot en M » pour la qualifier. Il est de ceux qui dénigrent le financement accordé aux artistes, aussi maigre soit-il. Le budget du CALQ de 200 millions, qui ne représente en fait que 0,13 % du budget total du gouvernement provincial, semble encore trop haut pour lui. Cependant, on ne l’a pas entendu à propos du milliard de $ que ce même gouvernement a gaspillé dans le scandale SAAQclic. Et pour cause ! Junior Abba- tiello est un vendeur de pizza, et tandis qu’il gagne son pepperoni, il n’a pas idée que la culture au Québec, c’est 160 000 emplois qui génèrent 17 milliards par année. La culture est un produit intérieur brut et les artistes sont une ressource qui, comme toute autre, ne peut être exploitée à outrance.
Le plus ironique, c’est que Junior Abbatiello demande lui aussi des subventions. La ville de Québec vient de lui accorder rien de moins que 50 000 $ pour la réfection de l’ancien bar clandestin situé au 795 Côte d’Abraham. Il y aura donc une succursale de son commerce en restauration tout près de la Coopérative Méduse, haut lieu de la vie artistique à Québec et grouillant de centres d’artistes. Tout ce beau monde se demandera sans doute pourquoi le programme Défi-Québec a donné une telle somme à un tourneur de pâte. Eh bien, sur une fiche d’information disponible sur le site de la ville, on constate qu’il prétend générer 50 emplois et contribuer au « rayonnement et à la dynamisation du quartier Saint-Jean-Baptiste ». C’est à vérifier. Un argument peut néanmoins être mis en doute dès maintenant, il dit « diversifier l’offre alimentaire du quartier ». N’y a-t-il pas déjà les formidables Nina Pizza Napolitaine et Attaboy pizza? Des entreprises qui en- couragent les artistes et supportent la communauté ? !
On ne peut s’étonner qu’un fast-food de cette espèce se trouve sur cette artère du centre-ville, qui est la voie d’entrée dans la zone historique de la ville. L’élue de ce territoire, Mélissa Coulombe-Leduc, responsable du patrimoine et présidente de la Commission d’urba- nisme (CUCQ), ne soutient-elle pas en ce moment une série de projets immobiliers qui détruisent la trame ur- baine ? Et ce, parfois, contre la position de son propre Conseil de quartier, opposé aux plans de développe- ment actuels pour l’Îlot Dorchester ? À ce sujet, serait- ce aussi pour une « diversité de l’offre alimentaire » qu’on nous vend l’arrivée d’une nouvelle chaîne ? Le Metro, l’Intermarché, le IGA à proximité ne suffisaient- ils pas ?
Dynamiser un quartier, ce n’est pas ouvrir nos bras aux Maxi ou les Avril de ce monde ni vider nos poches pour des vedettes préfabriquées incultes et indigestes. C’est appuyer les initiatives locales et originales. Après la fermeture du comptoir J.A. Moisan sur la rue Saint- Jean, on peut au moins se consoler en sachant que Défi-Québec a aussi appuyé l’Épicerie Scott et qu’on peut désormais manger les tacos de Chez Rita.