Histoire d’une ville

Par Nathalie Roy
Publié le 17 avril 2025
Québec au fil des siècles, portrait d’une ville et de ses habitants, Réjean Lemoine, Éditions GID, Québec, 2025, 462p

Avec Québec au fil des siècles – Portrait d’une ville et de ses habitants, Réjean Lemoine voulait offrir au grand public un ouvrage de synthèse sur l’histoire de Québec. Il dit dans son avant-propos qu’avant d’être citoyen du monde, on est citoyen de son propre pays, de sa propre ville. C’est pourquoi il a choisi d’écrire une histoire de Québec, en racontant la vie quotidienne de tous ces gens qui, au fil des siècles, ont habité Québec et ses faubourgs – St-Louis, St-Roch et St-Jean – incluant plus tard les banlieues, avec les succès et les défaites, les périodes de croissance et de déclin et les difficultés qu’ils ont traversées.

Cette synthèse couvre plus de 800 ans d’occupation du territoire ainsi que les millénaires au cours des- quels s’était façonné le paysage ; le récit foisonne d’événements fondateurs. L’historien de Québec les raconte avec un art qui donne le goût de comprendre leur en- chaînement. Le présent article reprend les débuts de cette histoire passionnante.

Pour planter le décor, Lemoine s’intéresse d’abord à la géologie du territoire, évoquant la collision et la fragmentation des plaques tectoniques, les glaciations, la formation des Laurentides et des Appalaches, la formation de la Mer de Champlain, son retrait et la formation du fleuve St-Laurent et de sa vallée. Ce récit permet au lecteur d’imaginer comment le paysage spectaculaire de la ville de Québec s’est sculpté en plus d’un milliard d’années.

La Chute Montmorency est ainsi un vestige de l’effondrement d’une partie des Laurentides tandis que l’ensemble géologique formé du promontoire de Québec et de l’Île d’Orléans a résulté de l’émergence des Appalaches. On comprend bien que le site de la future ville de Québec bénéficie d’une vue incomparable et de nombreux avantages favorisant l’implantation humaine.

Les premiers habitants du territoire étaient des Autochtones. Ceux-ci ont commencé à occuper la plaine du St-Laurent lors du retrait de la Mer de Champlain, quelque 10 000 ans avant notre ère. Dans la région de Québec, le site archéologique de Cap-Rouge-St-Augustin a révélé, par la découverte d’outils, une présence humaine dès 9 000 ans avant notre ère. La pointe de Québec, une basse terrasse au pied du Cap Diamant, a été très tôt un site de regroupement pour les Autochtones qui y pratiquaient la chasse et la pêche durant la période estivale.

21 000 ans ont passé. Aux XIIIe et XIVe siècles de notre ère, des Iroquoiens peu- plaient la Vallée du St-Laurent, habitant des villages répartis entre le Lac Ontario et le site actuel de la ville de Québec, Stadaconé. Au XIVe siècle, ces communautés totalisaient 100 000 per- sonnes.

Les Iroquoiens du St-Laurent se sont dispersés ou ont disparu durant la seconde moitié du XVIe siècle et il ne reste rien de Stadaconé au début du XVIIe siècle, lorsque les Français reviennent dans la vallée du St-Laurent. On ignore encore la cause exacte de cette mystérieuse disparition. L’héritage des Iroquoiens du St-Laurent est revendiqué par trois communautés autochtones : les communautés mohawk, huronne-wendat et anishnabe.

Depuis la fin du XVe siècle, la concurrence était forte pour capter les ressources (morue, fourrures) du golfe du St-Laurent. À l’arrivée de Champlain à Québec, les Innus et les Iroquoiens y pratiquaient la chasse et la pêche, ainsi que les Basques, plus à l’Est. Vingt ans plus tard, les Anglais tenteront de s’emparer de Québec et de la vallée du St-Laurent.

Dès juillet 1608, Champlain entreprend la construction de l’Habitation au pied du Cap Diamant, sur le site fréquenté depuis longtemps par les Autochtones. L’Habitation comprend trois corps de logis, un jardin, une basse-cour et un comptoir de traite, entourés d’une palissade. Pendant plusieurs décennies, elle servira de résidence pour Champlain et ses hommes ; des Autochtones, fréquentant leur site de pêche préféré, viendront s’y encabaner.

Grâce aux fouilles archéologiques menées dans les années 1970, on sait que l’Habitation était bien chauffée durant sa première période d’occupation (1608-1624) et que ses résidents disposaient de vêtements chauds pour affronter l’hiver. Les artefacts révèlent aussi que « L’alimentation constitue le principal obstacle au maintien de la colonie»*. Ce problème persiste jusque dans les années 1630, alors que plusieurs biens essentiels (vin, cidre, biscuits et farine) étaient apportés de France par navire.

En 1615, Champlain amène de Honfleur quatre religieux récollets. En 1617, débarquent Louis Hébert, son épouse Marie Rollet et leurs trois enfants. Hébert construit pour sa famille une maison de pierre à l’emplacement de la cour actuelle du Séminaire de Québec (École François de Laval). Il exerce son métier d’apothicaire en plus de défricher, labourer et cultiver ses terres pour vendre ses produits aux habi- tants de l’Habitation.

Les difficultés de ravitaillement ont contribué à la chute de Québec, après qu’en 1628 et 1629 des corsaires anglais, les frères Kirke, se soient emparés de navires français venus approvisionner Québec en denrées alimentaires. Avec une population déjà affaiblie par la disette, Champlain décide donc de livrer Québec aux frères Kirke. Le 20 juillet 1629, 150 soldats anglais s’emparent de l’Habitation et de son magasin. Champlain, les Récollets et les Jésuites sont amenés en Angleterre. Une vingtaine de colons français restent à Québec, dont la famille Hébert-Couillard** . L’historien précise qu’ils ont été bien traités.

L’occupation anglaise a duré trois années au cours desquelles les Kirke ont brûlé et détruit l’Habitation, pillé les couvents des Récollets et des Jésuites et les ont lais- sés à l’abandon. Cependant, la signature, le 29 mars 1632, du traité de St-Germain-en-Laye a remis la Nouvelle-France aux Français. Champlain revient à Québec en mai 1633, à titre de commandant du comptoir. Il est accompagné de 200 colons et de quatre Jésuites. La traite des fourrures est alors très rentable : dans les bonnes années, les Autochtones livrent à la colonie jusqu’à 15 000 peaux de castor qui sont revendues à prix fort.

Samuel de Champlain reconstruit le comptoir sur le site de l’Habitation, il restaure le fort St-Louis et bâtit une chapelle à proximité. La population de Québec commence alors à augmenter avec l’arrivée de colons : d’une cinquantaine de personnes en 1634 elle passe à plus de quatre-cents en 1636. La ville a dès lors commencé à se développer et à mieux résister aux attaques des Anglais, ce que raconte Lemoine dans sa synthèse historique.

* Lemoine, p. 50.

** Il s’agit de Guillemette Hébert, fille de Louis, et de son mari Guillaume Couillard.

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