Projet de l’Îlot Dorchester : la démocratie municipale mise à l’épreuve

 Par Simon Sauvage
Publié le 16 avril 2025

Jeudi 10 avril, des centaines de personnes ont assisté à l’assemblée publique concernant les modifications au Plan particulier d’urbanisme (PPU) du secteur sud de Saint-Roch. Ces changements sont requis pour per mettre la réalisation du projet du Groupe Trudel à l’îlot Dorchester. Le projet propose des dérogations majeures au PPU de 2017 : la hauteur maximale passerait de 33 à 58 mètres, l’équivalent de 17 étages. Les diverses règles visant à limiter l’impact massif du bâti seraient levées, et un hôtel de 150 chambres serait autorisé.

Or, cette consultation survient dans un contexte de forte mobilisation et l’opposition au projet n’a fait qu’augmenter : séance d’information en octobre, dépôt de mémoires à la Ville, assemblée spéciale du Conseil de quartier en janvier, rencontres citoyennes et une pétition recueillant plus de 1500 signatures. Malgré cela, les citoyens et les citoyennes n’ont actuellement aucun levier formel pour influencer la décision finale, qui revient exclusivement à l’administration municipale. Ce décalage entre participation citoyenne et pouvoir décisionnel soulève de sérieuses questions sur la légitimité démocratique du processus. D’autant plus que le maire Bruno Marchand a affirmé publiquement que la Ville irait de l’avant avec le projet avant même la te nue de la consultation.

Beaucoup ont eu l’impression d’être placés devant un fait accompli. Dans ces conditions, la participation citoyenne semble avoir été instrumentalisée. Plusieurs personnes ont ex primé la perception que leur implication avait surtout servi à légitimer une décision déjà prise, conférant au processus une apparence de démocratie sans réel pou voir d’influence. Ce genre de manœuvre alimente un sentiment de dé possession face à un palier de gouvernement censé être celui de la proximité.

Il est difficile de ne pas voir, dans la manière dont la Ville mène ce dossier, une stratégie de passe-passe réglementaire lui permettant d’éviter un véritable processus d’approbation citoyenne. Au-delà du projet lui-même, la question centrale est celle du respect des outils de planification collective. Le PPU de 2017, fruit d’un long travail de concertation, fixait des balises claires pour un développement cohérent. Autoriser aujourd’hui une série de dérogations majeures sans soumettre les changements à un mécanisme décisionnel contraignant — comme un référendum — envoie un message inquiétant : les engagements collectifs peuvent être balayés au gré des intérêts économiques des promoteurs.

Dans un jugement concernant un projet de modification réglementaire similaire à Mont-Saint-Hilaire, le juge Serge Gaudet rappelait que les dispositions de la loi ne peuvent devenir « des instruments pour réaliser indirectement ce qu’on ne peut réaliser directement et légalement ». C’est exactement ce que redoutent aujourd’hui les citoyens. Sur le plan strictement légal, la Ville affirme que la procédure respecte la forme. Mais sur le fond, elle donne l’impression que la démocratie s’arrête là où commence le zonage et laisse croire que les projets immobiliers se développent à portes closes entre l’administration municipale et les promoteurs. Ce débat dépasse la question de la hauteur des bâtiments. Il ne s’agit pas d’un réflexe de type « pas dans ma cour », bien au contraire. Les citoyens et les citoyennes de Saint-Roch sont pour le développement de l’Îlot Dorchester !

Ils demandent simplement qu’il se fasse dans le respect des règles collectivement établies. Il n’est pas trop tard pour corriger le tir. La Ville pour rait soumettre les modifications majeures proposées à un référendum. Si, comme l’administration le sou tient, le projet bénéficie d’un large appui, elle n’a rien à craindre. Mais refuser d’emblée aux citoyens le droit de se prononcer directement sur un projet d’une telle portée mine la confiance envers nos institutions. Vu l’ampleur des dérogations, la complexité du projet et l’importance du débat, un référendum n’est pas seulement souhaitable : il est nécessaire

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