Une expérience du 388, une alternative en santé mentale

Par Nathalie Côté
Publié le 25 avril 2025

« Un médecin qui travaillait au 388, appelait ça, l’hôpital dans la ville » se rappelle Yannick Godbout qui y passait environ trois semaines par année, en plus des séjours dans le milieu hospitalier conventionnel (l’hôpital Robert-Giffard). Yannick Godbout (nom fictif) a fréquenté la clinique de la rue Saint-Vallier de 1989 à 1995.

Le 388 rue Saint-Vallier Ouest fermé par le CIUSSS de la Capitale-Nationale le 13 mars dernier. Photo : NC

Le 388, c’était trois chambres, cinq places, un service 24 heures sur 24. Fermé le 13 mars dernier, ce service alternatif de proximité a eu pignon sur rue pendant 43 ans au centre-ville de Québec.

« Au 388, il y avait un rythme de vie. Ça crée une responsabilité dans le quotidien. On faisait notre ménage, on cuisinait ensemble avec une cuisinière intervenante. Dans le contexte de l’hôpital, c’est tout autre chose. On est mis en dépendance. Les personnes qui ont fréquenté le 388, pouvaient suivre une thérapie, y vivre et continuer de fréquenter le monde, voire continuer à travailler » explique-t-il. « Au 388, on gardait nos contacts et nos activités, plutôt qu’à l’hôpital où on perd nos contacts. »

La centralisation des services se poursuit

Yannick Godbout se questionne sur les décisions du CIUSSS de la Capitale Nationale qui a fermé plu sieurs ressources alternatives et innovantes pendant les dernières années : « En 2013, le Centre de traitement Le Benoît XV a été fermé, ensuite en 2016 le Centre de traitement et de réadaptation (CTR) Némours a été fermé et maintenant : le 388 ».

Le 388 a changé la vie de Yannick Godbout : « Sortir de son aliénation, de la famille, de son milieu. Dans tout ce processus, j’ai trouvé la gauche, de nouveaux amis. L’alternative a continué dans ma vie. À 20 ans, ma folie n’était pas un choix, mais elle est devenue un choix, une prise de conscience. Je me suis libéré de ma psychose. »

Une approche culturelle

Il définit ainsi l’approche de thérapie du 388 : « C’est une approche culturelle et non génétique. C’est un questionnement de la psychiatrie traditionnelle que j’appellerai lourde, les médicaments. » Il se rappelle cependant que certaines personnes ne passaient pas au travers du processus. « Mais il y avait un taux de réussite élevé », souligne-t-il.

En plus des séances de thérapies, le 388 offrait un milieu de vie. « On faisait de l’art avec des artistes. L’art nous permettait de s’admirer les uns et les autres et de ne pas seulement se voir comme des malades. On faisait des expositions à la maison. » On peut le constater en visitant le site web du centre.

« Ce n’était pas de l’art thérapie, mais le repos par l’art. Willy Apollon, psychanalyse au 388, disait, ça ne prend pas seulement une éthique de vie, une politique, mais aussi une esthétique de vie. » « Qu’est-ce que j’ai le goût de faire ? L’esthétique, c’est la motivation », soutient Yannick Godbout.

Comment ça fonctionnait au 388 ?

« Le 388, c’est un rapport humain. On était accueillis dans nos conflits. Ce n’est pas de la « clientèle ». C’est un engagement et c’est réciproque. Eux aussi, ils s’engageaient avec nous. Dans le choc de nos failles, on prend de la maturité. »

Il poursuit : « C’est un traitement de psychanalyse qui vient de Jacques Lacan. Dans la psychanalyse, les traces inconscientes sont accueillies : les rêves, les actes manqués, les rendez vous manqués servaient à faire une lecture de soi-même pour trouver qui je suis dans mon inconscient. »

Il y a plusieurs années que Yannick Godbout a fréquenté le 388. Est-ce terminé pour lui ? Il répond d’emblée : «La psychanalyse dure tout le temps après. Même après avoir quitté. C’est une culture intégrée. »

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