Luttes syndicales à l’austérité: un Conseil de grève à Québec

Publié le 12 novembre 2015

Par Pierre Mouterde

Manif du 27 octobre sur la rue Saint-Vallier Ouest, à l'invitation du Conseil de grève de Québec. PHoto: Nicolas Phébus
Manif du 27 octobre sur la rue Saint-Vallier Ouest, à l’invitation du Conseil de grève de Québec.
Photo: Nicolas Phébus

Bien futé serait celui qui pourrait aujourd’hui prédire comment risquent de se terminer les négociations autour du renouvellement des conventions collectives des 550 000 employés de la fonction publique du Québec. Et bien futé serait celui qui pourrait parier à coup sûr sur le fait que tout sera réglé avant les vacances de Noël. Ce qui est sûr néanmoins c’est que se joue une véritable bataille entre d’un côté, les politiques d’austérité promues par le gouvernement Couillard, et de l’autre, les volontés des syndiqués de ne pas en faire les frais. Car, jusqu’à présent, les offres gouvernementales frisent le ridicule, pour ne pas dire le mépris.

Surtout si on se rappelle que les conditions de travail et de rémunération dans le secteur de la santé et de l’éducation n’ont cessé de se détériorer depuis une quinzaine d’années, et que cette fois-ci le gouvernement avait proposé non seulement une hausse de l’âge de la retraite (passant de 60 à 62 ans), mais encore un minuscule 3 % d’augmentation des salaires sur cinq ans. Ce qui équivaut, dans les faits, en tenant compte de l’inflation appréhendée, à une véritable baisse du pouvoir d’achat d’autant plus enrageante qu’en même temps, aux niveaux des tables sectorielles, on retrouve partout la même volonté de renforcer le droit de gérance patronale et, par conséquent, des rapports plus hiérarchisés et autoritaires entre cadres et employés.

Un contexte incertain

Il est vrai que du côté des hautes instances syndicales (FTQ, CSN, CSQ), les choses ne sont pas aussi claires. Si elles ont repoussé avec indignation la toute dernière proposition du président du Conseil du trésor Coiteux (voir plus bas), elles n’en ont pas moins eu tendance jusqu’à présent à vouloir privilégier coûte que coûte la négociation. Et cela, en insistant beaucoup plus sur la possibilité d’un règlement satisfaisant que sur le côté à la fois irrationnel et scandaleux des politiques d’austérité à la sauce néolibérale visant à faire table rase de près de 40 ans d’acquis sociaux.

Il est vrai aussi qu’à la base, l’ensemble des syndiqués oscille toujours entre la volonté de se mobiliser et la crainte d’une loi spéciale. Ce qui les a conduits à endosser finalement assez passivement la stratégie graduelle décidée en haut et consistant à mener des grèves rotatives et par régions. De quoi rendre ainsi le panorama général passablement indéterminé.

Mobiliser et unifier

C’est dans ce contexte incertain et contradictoire qu’est né, il y a tout juste trois semaines le Conseil de grève de Québec : un regroupement de syndiqués membres de Québec solidaire qui s’est allié au groupe Lutte commune, réunissant des militants issus des groupes communautaires, de l’ASSÉ et de la mouvance libertaire, et désireux de ne pas rester les bras croisés dans la lutte contre l’austérité. Ensemble ils cherchent à pousser tant à la mobilisation qu’à l’unification des forces syndicales, communautaires et étudiantes; le seul moyen d’en finir avec les politiques d’austérité actuelles.

Jusqu’à présent, les premiers faits et gestes de ce regroupement sont tout à fait éloquents : intervention perturbatrice réussie au brunch des militants du Parti libéral; participation aux occupations des  bureaux de députés libéraux; radio-grève à CKIA; appels à des manifestations le soir des journées de grève : il s’est ainsi constitué, dans l’action et autour des grèves en cours, une communauté régionale de militants et de militantes qui s’est muée en une indéniable force collective. Une force d’autant plus prometteuse qu’elle reprend à sa manière le flambeau de Profs contre la hausse de 2012, tout en se trouvant en lien avec des regroupements semblables, tant à Montréal qu’à Gatineau.

Un front interne aux syndicats

Il reste que ces premières interventions réussies, à l’extérieur du mouvement syndical proprement dit, ne doivent pas faire oublier un autre front, bien plus difficile à faire bouger : le front interne des syndicats. Car si l’on souhaite que ce moment de renouvellement des conventions collectives ne débouche, peu ou prou, sur un entérinement — de facto — des politiques d’austérité du gouvernement, il faudrait que puissent se dessiner en même temps à l’intérieur des centrales syndicales actuelles des courants alternatifs capables non seulement de proposer d’autres orientations que celles qui actuellement prévalent, mais encore qu’elles puissent être mises en application. Notamment en parvenant à empêcher que certaines factions du Front commun signent des accords sectoriels avant que tout le monde ne l’ait fait, ainsi qu’en se donnant les moyens — en cas de loi spéciale — de pouvoir résister aux diktats gouvernementaux.

Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’à l’heure actuelle, il reste bien du pain sur la planche à ce niveau. Nous laissant voir ainsi tout ce qu’il reste à faire, mais aussi tous les possibles qui s’ouvrent lorsqu’on ose — par-delà les fragmentations qui nous déchirent — se remettre à agir et lutter ensemble.

Le ministre Coiteux a raté son coup!

C’était bien planifié, mais cela n’a pas eu l’effet escompté, tout au contraire. Jouant toujours du pseudo argument du déficit zéro, et cherchant en même temps à appâter certains secteurs du monde syndical, le ministre Coiteux a proposé non pas des augmentations de rémunération comme le demandait le Front commun, mais l’ajout de 500 millions de dollars (et non pas 1,7 milliard de dollars) à travers l’exercice de la relativité salariale. Plus ratoureux que ça, tu meurs ! La réaction a été immédiate et unanime : cela ne recoupe en rien les demandes syndicales. Résultat : les syndiqués auront pu constater comment les premiers jours de grèves rotatives qu’ils ont menées ont commencé à faire bouger le gouvernement et comment, si l’on souhaite que le pouvoir fasse un pas de plus, il ne reste qu’à continuer et élargir ce mouvement.

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